Histoire d’une cathédrale

Le porche
Le porche

Le tintement cristallin des burins taillant le granit de nos montagnes s’est tu. Tu aussi le rugissement du camion-benne venant de Mongo pour y transporter les blocs de granit. Les vallons de Dadouar sont rendus à leur silence. À 25 km à l’est, coiffant l’octogone de granit de la cathédrale, la charpente autoportante lance fièrement sa croix vers le ciel de Mongo, 17 m au-dessus des maisons du quartier.

Le campanile
Le campanile

Le gros œuvre est achevé. Pour le célébrer, une fête a été organisée le 13 avril pour les ouvriers du chantier. Ils ont « relu », à l’aide de plusieurs centaines de photos, toutes les étapes de la construction : chacun a touché du doigt l’immensité du travail accompli et constaté combien, vraiment, l’union fait la force. Après le traditionnel riz-sauce, les « sucreries » et le thé, place aux discours. Raphaël, soudeur ami venu de la capitale, célèbre avec ferveur, lui « le chrétien du sud », la mobilisation, l’unité et la foi de la quarantaine d’ouvriers, tous musulmans : « Ils ont, dit-il, construit cette cathédrale d’un seul cœur, comme s’ils édifiaient une mosquée ! ». Sa voix s’enfle, lyrique : « Aucune dispute ! Des croyants guidés comme par une seule Parole » !

Le tabernacle
Le tabernacle

Les échafaudages extérieurs ont été démontés. À l’intérieur, le chœur est presque achevé. Dans le demi-jour ocre de l’octogone de granit – sous la lumière diffuse dispensée par l’énorme (15 t) mais apparemment légère charpente posée à près de deux mètres au-dessus du dernier chaînage – les flammes du buisson ardent du tabernacle de cuivre repoussé invitent à l’adoration. D’autant qu’elles parlent de notre communion fraternelle avec les moines de Tamié : au moment de la restauration par Arcabas du chœur de leur abbaye, ils se sont dessaisis pour nous de leur ancien tabernacle.

Reste maintenant à couler la chape, à construire les bancs et, surtout, surtout, à réaliser l’immense fresque de 24 motifs bibliques qui va se déployer sur les huit linteaux du vaisseau intérieur. Là encore, ce sera le fruit d’une collaboration islamochrétienne, puisque Idriss, le peintre, natif de Baro, à cinquante km à l’est, est… musulman ! Après une longue collaboration avec Franco Martellozzo, il est devenu notre artiste préféré pour les livrets – catéchétiques ou socio-éducatifs – et les fresques de nos chapelles.

Le chœur
Le chœur

Comment ne pas mentionner avec quelque émotion, en terminant, l’expérience de « catholicité » très concrète que nous vivons dans cette aventure ! La foule immense des donateurs, petits et grands… L’équipe bavaroise de notre ami Hermann, l’architecte, et des ses collègues l’ingénieur et le charpentier, qui ont travaillé bénévolement… L’équipe parisienne des « Amis de Mongo », cœur brûlant et… indispensable interface administrative ! Mobilisation sans frontières pour notre « Église des frontières » : maçons musulmans, tailleurs de pierre chrétiens, le couple du chef de chantier, jésuite hadjeray, et de son adjoint, volontaire lyonnais, etc. Merci à vous ! Merci à tous ! Merci au Seigneur de la Beauté et de l’Unité qui a permis que se réalise cette belle aventure !

Dès octobre prochain, j’ordonnerai prêtres dans cette cathédrale Erbi et Lwanga, deux diacres jésuites tchadiens, le premier originaire de Baro (cf. ci-dessus) et le second de Sarh (700 km au sud). Quant à la consécration, la date n’en est pas encore fixée.

Mongo, le 4 mai 2013
Henri COUDRAY


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