Le territoire de notre diocèse se trouve dans une zone désertique ou semi désertique, ce qui n’est pas sans poser des problèmes de sécurité alimentaire. La population qui vit dans sa grande majorité des produits de la terre est à la merci non seulement des caprices climatiques mais aussi des usuriers et des oiseaux mange-mil.
– Nos banques de céréales, cauchemar des usuriers
De mémoire de villageois, les usuriers (riches éleveurs ou commerçants) n’ont cessé de sillonner le Guéra, en période de soudure quand le mil vient à manquer, pour proposer à leurs « amis » en détresse de quoi acheter la précieuse nourriture. Ces « cadeaux » sont loin d’être gratuits et le cultivateur endetté devra rembourser avec un taux d’intérêt de 400% à la récolte. Pour ce faire, il délaissera ses propres cultures ce qui le jettera immanquablement au bout de l’année dans la gueule des usuriers. Sauf si… Sauf si les villageois, solidaires dans leur détresse, se mettent à s’organiser en créant des banques de céréales. C’est ce qui se passe depuis 2001 sur tout le territoire de notre diocèse où on en compte désormais plus de 140.
À l’origine de ces banques, une demande du village à notre diocèse qui, au travers de l’AURA, se met en contact avec des financeurs : Misereor , Monsieur Imbert ou divers donateurs privés. Ces derniers offrent une et une seule fois au village le premier stock de mil. Interdiction d’y toucher avant la saison sèche et obligation de le reconstituer dès les premières récoltes, avec un intérêt de 25%, pour qu’il puisse augmenter. Les villageois devront alors le gérer au travers d’un comité élu, encadré et soutenu par les animateurs de ALSADER|Voir l’association ALSADER. Les animateurs arrivent dès l’installation de la banque. Ensuite, ils en assureront le suivi régulier par des visites et des formations adressées aux leaders paysans. Ces animateurs sont des cultivateurs bénévoles lettrés qui, convaincus que chacun doit se sacrifier pour le développement de sa communauté, parcourent sans relâche le secteur où ils habitent à l’aide de leur vélo. Ils sont actuellement 2 pour Melfi, 2 pour Bitkine et 5 pour Mongo. À la tête de cette équipe volante, Mumin Djimet insuffle à ses bénévoles son savoir-faire « musclé. » C’est que le bon fonctionnement d’une banque de céréales dépend de la reconstitution de son stock et donc des remboursements. Avec ceux-ci pas question de transiger : au bas du contrat signé par chaque adhérent de la banque, on trouve la clause suivante : « Si je ne respecte pas le contrat, je peux être poursuivi en justice », clause dissuasive qui a permis d’atteindre un résultat de presque 100% de remboursement sur l’ensemble des banques.
La méthode est payante : les greniers sont pleins, les estomacs aussi et, en 4 ans, le stock est près d’avoir doublé dans les villages où les banques sont nées en premier. Le village est désormais confronté à deux voies possibles : soit continuer à augmenter le stock pour que les emprunts par famille puissent augmenter ; soit passer à une phase de commercialisation du mil pour financer les activités du village : maîtres communautaires, puits, petit commerce,…
– La chasse des oiseaux mange-mil : lucrative et… gourmande
Les banques de céréales permettent de gérer les récoltes, la création de barrages et de digues favorise et protège la culture du mil. Ce travail de protection des cultures ne saurait être complet si on ne prend en considération le problème des oiseaux mange-mil qui sont responsables de lourdes pertes (de 20% à 100% des récoltes) et mobilisent tous les enfants au gardiennage au moment de la rentrée scolaire.
En 2006, le Groupement Signbolingo de Barlo (village situé à 40 km de Mongo où nous avons une communauté chrétienne dynamique) a sollicité un petit crédit auprès de notre diocèse pour commencer ses opérations de capture des oiseaux au filet. Cette somme leur a été accordée et l’opération a été couronnée de succès car ce groupement de 30 piégeurs a non seulement pu rembourser son crédit après une campagne de chasse d’une saison mais il a également pu tripler la mise par la capture et la vente de 113 sacs d’oiseaux.
Fort de cette expérience, le groupement Signbolingo de Barlo a pu tripler ses effectifs, avec le soutien de la Fondation Jean-Paul II|Voir les financeurs pour le Sahel, pour que l’impact de cette chasse soit plus important sur le milieu.